La forêt corse mise sous surveillance du satellite
La forêt corse mise sous surveillance du satellite
31 July 2008
published by www.lesechos.fr
France — Il a beaucoup plu au cours du printemps et la végétation est encore très verte. En principe on devrait être tranquille jusqu’à la fin août. » A la fin juin, on était relativement confiant à la direction départementale de l’agriculture et de la forêt de Bastia (DDAF). Dans les collines surchauffées du nord de l’île, la surveillance est un exercice quotidien qui s’étend bien au-delà de la période critique du début juin à la fin septembre. En fait, la majorité des incendies se reproduisent d’année en année dans les mêmes zones et la plupart du temps pour les mêmes raisons. Selon les statistiques établies par l’Office de l’environnement de la Corse, la grande majorité des départs de feu a une origine volontaire (lire clavier). D’où l’intérêt de comprendre dans quelles conditions le feu s’est déclaré et comment il s’est propagé. A partir de ce retour d’expérience, les experts de la forêt construisent des scénarios et prévoient des zones d’appui à la lutte (ZAL) permettant aux pompiers d’intervenir sans prendre trop de risques.
L’année 2008 semble être un millésime plutôt calme. Depuis quatre ans, la situation s’est d’ailleurs relativement stabilisée dans l’île de Beauté. Rien à voir avec la catastrophique année 2003, où près de 25.000 hectares étaient partis en fumée pendant l’été caniculaire. En 2006, la région a lancé un plan de protection sur six ans destiné à limiter les dégâts en cartographiant avec précision les incendies et en dressant des obstacles pour contrôler la propagation du front de flammes. « L’objectif est de faire glisser le feu sur des ouvrages disposés sur son passage », résume Pierre Havet, patron de la DDAF. La dynamique du feu obéit à des paramètres connus : vent, pente, type de végétation, nature du relief… Une ZAL aménagée sur le flanc d’une hauteur et équipée de points d’eau répartis tous les 700 à 1.000 mètres permet d’éviter une des hantises des combattants du feu : le passage des flammes d’un versant à l’autre de la colline.
Apprivoiser le feu
Plutôt que de tenter d’arrêter le feu, ce qui dans la majorité des cas est impossible ou trop dangereux, on s’efforce donc de l’apprivoiser en le contraignant à suivre un itinéraire balisé. Mais pour coincer les flammes dans un cul-de-sac sans combustible, il faut connaître parfaitement le terrain, créer des pistes sécurisées pour les pompiers et donc prévoir comment le feu va s’alimenter. « Les images satellite sont précises. Elles nous permettent de faire à la fois de la prévision et de la prévention », indique Pierre Havet.
Le département et la région n’ont pas hésité à payer 25.000 euros pour accéder aux images commercialisées par la filiale d’Astrium, Infoterra. En fait, cet outil a une double utilité. Avant l’été, il donne une photographie de la végétation. En automne, il permet de dresser un bilan précis des surfaces et des essences détruites. « Nous pouvons connaître l’exhaustivité de tous les feux au cours de la saison estivale. Les images satellite sont chères mais ce n’est pas excessif », remarque Pierre Havet. Avant l’arrivée de ces données venues de l’espace, les agents forestiers cartographiaient les zones carbonisées à la main ou en faisant appel aux données GPS. « Mais certaines zones sont inaccessibles. Les images du satellite permettent de comprendre ce qui s’est passé », ajoute Pierre Havet. D’autres départements comme le Var sont intéressés par cette solution, désormais considérée comme « opérationnelle » par la filiale toulousaine d’EADS.
Chez Astrium on semble très confiant dans l’avenir de l’imagerie satellitaire appliquée à la surveillance de l’environnement. Récemment, le groupe a repris la participation du Centre national d’études spatiales (CNES) dans Spotimage, la filiale historique créée par les pouvoirs publics pour commercialiser les images de la famille Spot (lire encadré). « Ces applications sont désormais disponibles pour la surveillance des incendies ou la gestion des catastrophes naturelles comme les inondations », précise Gil Denis, responsable des activités surveillance de l’environnement chez Infoterra.
Surveiller la planète
Dans le petit monde des producteurs d’images spatiales, tout le monde a encore en mémoire les terribles incendies en Grèce de l’an dernier (180.000 hectares détruits et plus de 70 morts) et les inondations birmanes au printemps dernier. L’Europe semble enfin prête à financer le programme GMES (« Global Monitoring for Environment and Security ») destiné à doter le Vieux Continent d’un outil de surveillance spatial. Ce sujet sera d’ailleurs un des thèmes majeurs de la prochaine conférence ministérielle sur l’espace qui se tiendra en novembre. « Avec les problèmes et les polémiques liés au changement climatique, l’Europe doit posséder ses propres instruments d’observation », estime Gil Denis. On s’oriente vers un partenariat public-privé du type Galileo (le GPS européen), en espérant que l’accouchement sera moins douloureux. En attendant, on a déjà trouvé un nom plus vendeur pour remplacer le vieux sigle GMES. Ce sera Copernic.