Côte d’Ivoire: Les feux de brousse emportent forêts et cultures

Côte d’Ivoire: Les feux de brousseemportent forêts et cultures

1 March 2007

published by fr.allafrica.com


Ivory Coast — Assis dans son champ, le regard figé, lesyeux en larmes, Dua Kouadio pleure sur les cendres de ses trois hectaresd’anacardes. Toute sa production d’anacardes de l’année vient d’être consuméepar un feu de brousse allumé par un inconnu.

“C’est la seconde fois que cela m’arrive. L’annéedernière déjà, des individus avait fait un feu qui a emporté mes ignames”,raconte-il à IPS dans le champ d’anacardes fraîchement consumé par lesflammes.

Kouadio, comme de nombreux habitants de la sous-préfecturede Bondoukou, est confronté chaque année aux affres des feux de brousse. Cettesous-préfecture est considérée par les agents des Eaux et forêts comme étantla plus ravagée par les feux de brousse.

“Il n’y a pas d’année où des cas de feux de broussene sont enregistrés dans cette partie du pays en dépit des menaces et dessensibilisations”, indique à IPS le capitaine Madeleine Zio, chef ducantonnement des Eaux et forêts de Bondoukou.

Entre 1999 et 2006, 3.370 hectares de culture et 337 casesont été emportées par les flammes, avec un bilan humain de 17 personnes tuéesdans le seul département de Bondoukou, indique le Capitaine Zio.

Mais, “Les feux de brousse ne sont pas une pratiqueexclusive à une partie du pays”, affirme le Pr. Joseph Séka du ministèreivoirien de l’Environnement.

Selon les statistiques disponibles à ce jour, ce ministèrea enregistré, entre 1983 et 2002, plus de 110.000 hectares de forêts détruits- dont 33.000 hectares de café et cacao – plus de 246 villages et campementspartis en fumée et 122 pertes en vies humaines, rapporte Séka.

“A l’heure actuelle, c’est la saison des chasses dansma préfecture, et ce sont des dizaines d’hectares de terre en jachère et decultures qui brûlent chaque jour rien qu’à cause de la chasse”, confie àIPS Djézou Konan, sous-préfet de la région voisine de Sorobango, toujoursdans l’Est du pays.

Ce qui se passe en réalité est que l’utilisation du feupar les populations est une pratique traditionnelle pour préparer les terresagricoles, la chasse et les pâturages, explique le Pr. Séka. Les populationsmettent donc volontairement le feu à la brousse, puis elles n’arrivent pas àen contrôler les limites, indique-t-il.

“Il est temps de sensibiliser nos populations desrisques encourus car, la répression à notre avis, ne semble pas être lasolution la plus efficace”, soutient Séka.

Des comités de lutte contre les feux de brousse ont ainsiété créés dans les villages en vue de prévenir les départs d’incendies, delimiter leur extension et de rendre plus efficace la lutte.

Pourtant, les comités de lutte contre les feux de broussesont devenus faibles et inefficaces parce que les victimes des feux de brousserefusent que les auteurs des feux soient sanctionnés.

“En fait nous nous retrouvons souvent dans dessituations où, à chaque arrestation, nous avons l’intervention des parents etfamilles du mis en cause. Avec les supplications, nous sommes parfois obligésde libérer l’accusé, même si c’est un récidiviste notoire”, lâche lecapitaine Zio.

Selon le Pr. Séka, le risque de voir s’embraser toutesles forêts du pays est réel et il faudra agir vite comme le recommande égalementle Comité national de défense de la forêt contre les feux de brousse, unestructure du ministère ivoirien de l’Environnement.

“Hier, c’était le Nord du pays, aujourd’hui, c’estle Centre et l’Est. Demain, nul doute que ce sera le Sud et nous n’aurons bientôtplus un seul hectare de forêt”, alerte le Comité.

Ce comité, créé pour faire face aux dégâts occasionnéspar les multiples incendies, a entrepris des actions de sensibilisation en vuede faire changer de comportement aux populations rurales et développer desmesures préventives.

Selon le Comité de défense des forêts, les forêtsivoiriennes qui faisaient neuf millions d’hectares en 1965, étaient réduitesà trois millions d’hectares en 1991, puis à 2,5 millions d’hectares en 2006.

Le long de la route entre Bondoukou et Tanda, située àune quarantaine de kilomètres plus au nord, la végétation est presqueinexistante. Les arbres, s’ils existent sont rabougris, lessivés par le feu.Les forêts d’autrefois ont laissé place à la savane.

Cette situation est imputable à l’agriculture extensivebasée sur la technique des cultures itinérantes sur brûlis, lasurexploitation de la forêt en bois d’oeuvre et bois d’énergie et les feux debrousse, explique à IPS, Mélaine Bohui Kouassi de l’organisation nongouvernementale Ma forêt, basée à Bingerville, à 20 kilomètres d’Abidjan,dans le Sud du pays.

“Si nous voulons préserver ce qui reste et parvenirà retrouver ce qui était, nous devons penser au reboisement. La répression,ni tout autre chose, n’est pas la solution au problème”, estime BohuiKouassi.


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