Sénégal: Feux de brousse trop fréquents, forêts en fumée

Sénégal: Feux de brousse trop fréquents,forêts en fumée

14 February 2007

published by fr.allafrica.com


Senegal — Le Sénégal connaît chaque année, autour des mois dejanvier et février, un pic des feux de brousse qui ravagent des centaines demilliers d’hectares de terres propices à l’agriculture. Ceux de 2006 ont détruitplus de 400.000 hectares de terres, d’où le cri d’alarme du Centre de suivi écologique(CSE).

Dans son rapport 2006 intitulé “Suivi des feux debrousse au Sénégal”, le CSE indiquait que pendant chaque saison sèche,”les incendies ravagent une grande partie des écosystèmes sénégalais.La saison des feux s’étend en général d’octobre à mai. La répartitiontemporelle et spatiale des foyers n’est pas homogène et varie d’une année àune autre”.

L’essentiel des feux se propage dans les parties sud etsud-est du pays, notamment les régions de Tambacounda, Kolda, Ziguinchor, Lougaet Matam.

En revanche, il y a moins d’incendies dans la partie norddu Sénégal, en raison, entre autres, des mesures prises par les autorités enmatière de sensibilisation et de mise en place des moyens humains et matériels.Cette mobilisation a permis de stopper la recrudescence des feux enregistrés audébut de la saison où d’importantes superficies avaient brûlé.

Par ailleurs, on note une quasi-absence des feux dans lafrange ouest de ce pays d’Afrique de l’ouest. Cette absence s’expliquerait pardeux facteurs : la localisation dans cette partie des grands centres urbains etla concentration des espaces agricoles.

Le centre du pays, qui correspond au bassin arachidier,est faiblement atteint. Dans le bassin arachidier, zone fortement agricole, lesfeux sont de faible ampleur. Cette situation peut s’expliquer par l’importancedes surfaces emblavées d’une part, et d’autre part par l’utilisation de résidusde récoltes comme fourrage, ce qui réduit ainsi les matériaux combustibles.

“Il apparaît ainsi que les feux de brousse revêtentun caractère rural et affectent plus de la moitié du territoirenational”, souligne le CSE.

Au total, la saison 2005-2006 des feux a étéexceptionnelle avec de grands foyers à travers tout le pays.

Les superficies brûlées dans le département de Linguère,dans le sud du pays, représentaient neuf pour cent de son étendue et 41 pourcent du total brûlé au plan national. Plus de neuf pour cent de la superficiedu département de Bakel sont touchés par les feux de brousse où de nombreuxcas de feux à superficies réduites ont également été enregistrés.

Les incendies sont favorisés en partie par les quantitésélevées de biomasse enregistrées dans ces zones suite à une saison de bonnepluviométrie, indique le CSE.

En effet, dans les zones de grand incendie, la quantitéde biomasse mesurée à l’hectare dépasse les six tonnes par endroits tandisqu’au nord, elle avoisine la tonne et demie dans des endroits où d’habitude,elle ne dépassait guère les 300 kilogrammes à l’hectare.

Cette situation peut également s’expliquer par les misesà feu précoces le long des axes routiers et ferroviaires et aux alentours desvillages dans la région de Tambacounda par le service des eaux et forêts etles parcs nationaux.

En effet, les feux précoces, réalisés dans les règles,constituent un moyen de prévention des feux tardifs pour les forestiers.

Malheureusement, le respect par les populations desmeilleures conditions de leur mise en oeuvre, laisse parfois à désirer et parconséquent, ces feux, qui étaient perçus comme moyen de limitation des dégâts,deviennent souvent de véritables incendies.

D’autre part, la densité de la végétation dans lapartie sud du territoire peut expliquer la fréquence et le caractère violentdes incendies qui surviennent parfois lors des préparations agricoles. Cesdernières consistent à défricher les parties périphériques des forêtsriveraines des terroirs villageois.

Au cours de ces opérations, les populations mettent lefeu pour la conquête de nouvelles terres en procédant à la reconversion d’unepartie de la forêt en terres de cultures. Elles évitent ainsi des travauxlaborieux de défrichement et ces actes restent souvent incontrôlés.

Selon Papa Mawade Wade, un spécialiste des questions de désertification,depuis la grande sécheresse des années 1970 qui a frappé toute l’Afrique del’ouest, le Sénégal perd chaque année, de façon irrémédiable, 80.000hectares de son couvert forestier, et connaît par la même occasion une baissede rendements de 25 pour cent de ses sols.

C’est une raison supplémentaire pour laquelle ces feux debrousse sont une menace pour le pays d’autant plus que “depuis son indépendanceen 1960, les superficies totales réservées au secteur agricole sont restéesinchangées dans la mesure où les nouvelles terres de production ne font queremplacer celles qui sont perdues à cause de la baisse de fertilité des sols”,indique l’agronome Mansour Fall.

Fall précise que seuls 19 pour cent de la surface arabledu Sénégal se prêtent à l’agriculture. Si en plus, les feux de broussedevraient encore chaque année réduire cette superficie, il en résulterait ungros déficit pour l’agriculture du pays.

Afin de limiter ce phénomène qui ravage chaque annéeles forêts sénégalaises, le CSE recommande, pour les prochaines campagnes,l’identification des zones à haute production de biomasse avant la fin de lasaison des pluies, la mobilisation des moyens humains et matériels dès le moisde septembre.

Le CSE recommande également la création et l’équipementdes comités de lutte dans les zones névralgiques, l’incitation des populationsà la mise en place et au nettoyage des pare-feux à la fin du mois de septembreet l’encouragement de la mise à feu précoce dans les zones où cette pratiqueest bien adaptée.

Le Sénégal a adopté son Programme d’action national delutte contre la désertification (PANLCD) en octobre 1998.

“Les pertes annuelles de surfaces forestières duesaux feux de brousse sont estimées à 350.000 hectares de forêts”, selonle PANLCD.


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