Déforestation en Tasmanie : Vandalisme écologique ou pratique efficace?

Déforestation en Tasmanie: Vandalisme écologique ou pratique efficace?

13 November 2006

published by www.tahitipresse.pf


Hobart, Tasmanie — Le documentaire télévisé “Vu du ciel” a récemment mis l’accent sur d’inhabituelles méthodes d’exploitation des forêts primaires de l’état australien de Tasmanie (68 332 km2 pour 475 000 habitants) qui ont suscité de nombreux commentaires. Certaines images, notamment, ont choqué, surtout celles où l’on voit un hélicoptère recourir au napalm pour mettre le feu aux débris d’une coupe.

Les prises de vue en question peuvent être “contemporaines” comme elles peuvent dater du début 2004, date à laquelle des mouvements de protection de l’environnement s’étaient élevés contre cette pratique bien spécifique dans la mesure où elle avait cours dans la forêt de la Styx Valley, ou Vallée des Géants.
À noter que jamais ces images n’ont été diffusées par les chaînes australiennes de télévision, lesquelles suivaient pourtant le dossier.

Des eucalyptus vieux de 400 ans

Située à environ 70 km à l’ouest de Hobart, la capitale de la Tasmanie, cette forêt primaire recèle notamment des eucalyptus géants hauts de près de 90 m et âgés de 200 à 400 ans dont le tronc atteint jusqu’à cinq mètres de diamètre à sa base. Dans le début des années 2000, et selon des chiffres publiés en 2004 par la Wilderness Society, une association pour la protection de la faune et de la flore, entre 300 et 600 hectares de ladite forêt ont été livrés chaque année aux tronçonneuses des bûcherons.
De nombreuses manifestations ont eu lieu pour que cesse ce type spécifique de déforestation, et le conflit opposant les défenseurs de la Vallée Styx aux sociétés locales d’abattage est même devenu un important enjeu politique à la veille des législatives d’octobre 2004. Juste avant la consultation, le premier ministre John Howard a en effet promis de protéger l’emploi des bûcherons, de même que les forêts primaires de Tasmanie, dont la Vallée des Géants.
En mai 2005, Howard a tenu parole puisque lesdites forêts ont été officiellement classées au patrimoine national, y compris la fameuse Styx Valley où le chant des oiseaux a succédé au vacarme des tronçonneuses. Cette sérénité enfin retrouvée a également satisfait les écologistes qui ont, depuis, cessé dans leurs sites Internet d’évoquer le contentieux en question.

L’abattage continue

Hors ces forêts primaires aujourd’hui protégées, l’exploitation du bois se poursuit en Tasmanie où l’industrie emploie environ 8000 personnes. Le gouvernement local a cependant pris en compte les inquiétudes des écologistes, et a stipulé que 95% des zones forestières “à l’état sauvage” seront protégées, y compris 68% des forêts primaires. Ce que Greenpeace reconnaît d’ailleurs sur son site Internet.
La Wilderness Society constate néanmoins que “20.000 hectares de forêts primaires sont abattus chaque année”, mais que “80.000 hectares de ces forêts ont été transformés en plantations ces sept dernières années.” Forestry Tasmania, l’organisme officiel de contrôle et de régulation de l’industrie, indique pour sa part que 84% des arbres coupés sont broyés en copeaux (ensuite exportés vers l’Asie et surtout le Japon), tandis que 16% seulement des grumes prennent le chemin des scieries.

Un feu “régénérateur”

Déforestation va cependant de pair avec reforestation au moyen d’essences économiquement plus rentables. Et c’est en préparation à cette régénération qu’entrent en action les fameux hélicoptères “lance-flammes.” Tel celui qui aurait été filmé le 24 avril 2004 par la Wilderness Society, laquelle, dans un communiqué, a ensuite accusé Forestry Tasmania “d’incendier les vieilles forêts primaires à l’aide de bombes incendiaires au napalm larguées d’hélicoptères.”
Principal exploitant forestier de Tasmanie, le groupe Gunns en explique ainsi l’usage sur son site Internet. “…Un environnement découvert est requis pour recréer les circonstances nécessaires à une régénération réussie de ces forêts.”
“Les techniques de régénération employées sur une coupe déjà dénudée vont normalement inclure un feu chaud qui va créer un lit réceptif à des nouveaux semis qui seront épandus selon une méthode manuelle ou aérienne.” “Ce feu”, insiste Gunns, “fournit les conditions optimales pour la germination des semences qui ont été libérées de façon naturelle par l’incendie.”

Un outil efficace : le napalm

En clair, cette méthode du type lance-flammes très critiquée à l’étranger mais couramment pratiquée en Australie découle d’une simple observation : les gigantesques incendies de forêts qui ravagent régulièrement le continent ont toujours pour effet de provoquer une germination végétale spontanée dans les zones où la terre a littéralement brûlé. Ce phénomène naturel – la création d’un “hot-bed”, ou “lit chaud” – facilite et accélère la germination des semences que les plantes ont libérées juste avant de brûler, et favorise ainsi “naturellement” la régénération des espaces calcinés.
En Tasmanie, le napalm – épandu sous le strict contrôle de la commission forestière – tient lieu de feu de brousse dans les coupes qui ont déjà été exploitées et ses seules conséquences sont ces images de terres brûlées sous lesquelles germe déjà la prochaine couverture végétale de l’état, Gunns appliquant à la lettre la politique selon laquelle “toute forêt ‘récoltée’ est régénérée”, ce qu’omettent parfois de reconnaître les écologistes.


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